Ce nouvel opus du Cirque Farouche vient nous montrer qu’un spectacle de cirque peut s’écrire, se mettre en scène et se réaliser comme un film de cinéma. 18 et demi : une référence au film 8 et demi, dans lequel Fellini montre un réalisateur en mal d’inspiration, essayant vainement de s’isoler, alors que tout un petit monde insiste auprès de lui : il a un film à tourner.

C’est le point de départ. A la manière d’un cinéaste, Jef Odet rassemble son équipe sur le plateau. Le décor est prêt, la musique aussi. Les artistes vont découvrir le scénario. La dramaturgie ne découle pas d’une histoire, car on est, fondamentalement, au cirque. Elle découle de la juste tension des corps, du geste de cirque exactement déployé dans un scénario, pour traduire et servir, ici et maintenant, une émotion. C’est le but.

Chaque artiste vient dévoiler non seulement une troublante virtuosité acrobatique, mais aussi sa fragilité, ses failles, son humanité. Construites comme si elles étaient filmées, les scènes plongent le spectateur dans la matière vive du cirque. Plans séquence sur une trapéziste se débattant dans une tempête de plume, un main à main peu ordinaire, une sangliste qui vient déchirer l’espace, une danseuse au cerceau aérien : du vol, de l’envol, en tout cas, de la haute volée.

Derrière les prouesses, l’artiste ne triche pas. Il ne joue pas non plus. Il nous dit, nous raconte, nous interpelle, avec le langage du corps. C’est ainsi que Jef Odet vient chuchoter dans l’oreille de son public, des histoires, des secrets, des états d’âme. Et c’est probablement l’une de ses marques de fabrique : immédiatement cueilli, le spectateur se projette au cœur de cette histoire de cirque, et ne lâche plus : un scénario authentifié Farouche ne lui laisse pas une minute d’indifférence. Une pièce de cirque, servie dans son décor naturel, le théâtre, avec une musique composée et jouée en live par 5 interprètes.